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Pour que leur pas résonne et leur nom se répande,
Pour se tromper eux-même, ô mort ! et te tromper !
Oui, du haut de ce tertre où mon pied les domine,
Je les entends encor ! Mais si je fais un pas,
Si je double le cap ou franchis la colline,
Ce grand bruit, expirant sur la plage voisine,

Sera comme s’il n’était pas !…


Avant que du zéphyr la printanière haleine
Ait cessé de verdir les feuilles de ce chêne,

Qui compte déjà cent hivers ;

Avant que cette pierre au bord des flots roulée,
Et qui tremble déjà sur sa base ébranlée,

Ait croulé sous le choc des mers ;


Ces pas, ces voix, ces cris, cette rumeur immense,
Seront déjà rentrés dans l’éternel silence ;
Les générations rouleront d’autres flots ;
Et ce bruit insensé, que l’homme croit sublime,
Se sera pour jamais étouffé dans l’abîme,

L’abîme qui n’a plus d’échos !


« Mais où donc est ton Dieu ? » me demandent les sages.
Mais où donc est mon Dieu ? Dans toutes ces images,

Dans ces ondes, dans ces nuages,

Dans ces sons, ces parfums, ces silences des cieux,
Dans ces ombres du soir qui des hauts lieux descendent,
Dans ce vide sans astre, et dans ces champs de feux,
Et dans ces horizons sans bornes, qui s’étendent
Plus haut que la pensée et plus loin que les yeux !