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Mais pourquoi t’éveiller quand tout dort sur la terre ?
Astre inutile à l’homme, en toi tout est mystère ;
Tu n’es pas son fanal, et tes molles lueurs
Ne savent pas mûrir les fruits de ses sueurs ;
Il ne mesure rien aux clartés que tu prêtes,
Il ne t’appelle pas pour éclairer ses fêtes ;
Mais, fermant sa demeure aux célestes clartés,
Il s’éclaire de feux à la terre empruntés. 
Quand la nuit vient t’ouvrir ta modeste carrière,
Tu trouves tous les yeux fermés à ta lumière,
Et le monde, insensible à ton morne retour,
Froid comme ces tombeaux objets de ton amour !
À peine, sous ce ciel où la nuit suit tes traces,
Un œil s’aperçoit-il seulement que tu passes,
Hors un pauvre pêcheur soupirant vers le bord,
Qui, tandis que le vent le berce loin du port,
Demande à tes rayons de blanchir la demeure
Où de son long retard ses enfants comptent l’heure ;
Ou quelque malheureux qui, l’œil fixé sur toi,
Pense au monde invisible, et rêve ainsi que moi !

Ah ! si j’en crois mon cœur et ta sainte influence,
Astre ami du repos, des songes, du silence,
Tu ne te lèves pas seulement pour nos yeux ;
Mais, du monde moral flambeau mystérieux,
À l’heure où le sommeil tient la terre oppressée,
Dieu fit de tes rayons le jour de la pensée !
Ce jour inspirateur, et qui la fait rêver,
Vers les choses d’en haut l’invite à s’élever ;
Tu lui montres de loin, dans l’azur sans limite,
Cet espace infini que sans cesse elle habite ;
Tu luis entre elle et Dieu comme un phare éternel,
Comme ce feu marchant que suivait Israël ;