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Serions-nous donc pareils au peuple déicide,
Qui, dans l’aveuglement de son orgueil stupide,
Du sang de son Sauveur teignit Jérusalem,
Prit l’empire du ciel pour l’empire du monde,
Et dit en blasphémant : « Que ton sang nous inonde,

Ô roi de Bethléem ! »


Ah ! nous n’avons que trop affecté cet empire,
Depuis qu’humbles proscrits échappés du martyre,
Nous avons des pouvoirs confondu tous les droits,
Entouré de faisceaux les chefs de la prière,
Mis la main sur l’épée, et jeté la poussière

Sur la tête des rois.


Ah ! nous n’avons que trop aux maîtres de la terre
Emprunté, pour régner, leur puissance adultère,
Et, dans la cause enfin du Dieu saint et jaloux,
Mêlé la voix divine avec la voix humaine,
Jusqu’à ce que Juda confondît dans sa haine

La tyrannie et nous.


Voilà de tous nos maux la fatale origine ;
C’est de là qu’ont coulé la honte et la ruine,
La haine, le scandale et les dissensions ;
C’est de là que l’enfer a vomi l’hérésie,
Et que du corps divin tant de membres sans vie

Jonchent les nations.


« Mais du Dieu trois fois saint notre injure est l’injure.
Faut-il l’abandonner au mépris du parjure,
Aux langues du sceptique ou du blasphémateur ?
Faut-il, lâches enfants d’un père qu’on offense,
Tout souffrir sans réponse et tout voir sans vengeance ? »

Et que fait le Seigneur ?