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DE SOCRATE.

Ni les vallons d’Hémus, ni ces riches coteaux
Qu’enchante l’Eurotas du murmure des eaux,
Ni cette terre enfin des poëtes chérie
Qui fait aux voyageurs oublier leur patrie,
N’approchent pas encor du fortuné séjour
Où le regard de Dieu donne aux âmes le jour ;
Où jamais dans la nuit ce jour divin n’expire ;
Où la vie et l’amour sont l’air qu’on y respire ;
Où des corps immortels et toujours renaissants
Pour d’autres voluptés empruntent d’autres sens.
— Quoi ! des corps dans le ciel ? la mort avec la vie ?
— Oui, des corps transformés que l’âme glorifie !
L’âme, pour composer ces divins vêtements,
Cueille en tout l’univers la fleur des éléments :
Tout ce qu’ont de plus pur la vie et la matière,
Les rayons transparents de la douce lumière,
Les reflets nuancés des plus tendres couleurs,
Les parfums que le soir enlève au sein des fleurs,
Les bruits harmonieux que l’amoureux Zéphire
Tire au sein de la nuit de l’onde qui soupire,
La flamme qui s’exhale en jets d’or et d’azur,
Le cristal des ruisseaux roulant dans un ciel pur,
La pourpre dont l’aurore aime à teindre ses voiles,
Et les rayons dormants des tremblantes étoiles,
Réunis et formant d’harmonieux accords,
Se mêlent sous ses doigts et composent son corps ;
Et l’âme, qui jadis esclave sur la terre
À ses sens révoltés faisait en vain la guerre,
Triomphante aujourd’hui de leurs vœux impuissants,
Règne avec majesté sur le monde des sens,
Pour des plaisirs sans fin, sans fin les multiplie,
Et joue avec l’espace, et les temps, et la vie !