Ô Dieu, vois dans les airs ! l’aigle éperdu s’élance
Dans l’abîme éclatant des cieux ;
Sous les vagues de feu que bat son aile immense,
Il lutte avec les vents, il plane, il se balance ;
L’écume du soleil l’enveloppe à nos yeux :
Est-il allé porter jusques en ta présence
Des airs dont il est roi le sublime silence,
Ou l’hommage mystérieux ?
Ô Dieu, vois sur les mers ! le regard de l’aurore
Enfle le sein dormant de l’Océan sonore,
Qui, comme un cœur d’amour ou de joie oppressé,
Presse le mouvement de son flot cadencé,
Et dans ses lames garde encore
Le sombre azur du ciel que la nuit a laissé.
Comme un léger sillon qui se creuse et frissonne
Dans un champ où la brise a balancé l’épi,
Un flot naît d’une ride ; il murmure, il sillonne
L’azur muet encor de l’abîme assoupi ;
Il roule sur lui-même, il s’allonge, il s’abîme ;
Le regard le perd un moment :
Où va-t-il ? Il revient, revomi par l’abîme ;
Il dresse en mugissant sa bouillonnante cime ;
Le jour semble rouler sur son dos écumant ;
Il entraîne en passant les vagues qu’il écrase,
S’enfle de leurs débris et bondit sur sa base ;
Puis enfin, chancelant comme une vaste tour,
Ou comme un char fumant brisé dans la carrière,
Il croule ; et sa poussière
En flocons de lumière
Roule, et disperse au loin tous ces fragments du jour.