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LA MORT

« Hâtons-nous, mes amis ! voici l’heure du bain.
Esclaves, versez l’eau dans le vase d’airain !
Je veux offrir aux dieux une victime pure. »
Il dit ; et se plongeant dans l’urne qui murmure,
Comme fait à l’autel le sacrificateur,
Il puisa dans ses mains le flot libérateur,
Et, le versant trois fois sur son front qu’il inonde,
Trois fois sur sa poitrine en fit ruisseler l’onde ;
Puis, d’un voile de pourpre en essuyant les flots,
Parfuma ses cheveux, et reprit en ces mots :
« Nous oublions le Dieu pour adorer ses traces !
Me préserve Apollon de blasphémer les Grâces,
Hébé versant la vie aux célestes lambris,
Le carquois de l’Amour, ni l’écharpe d’Iris,
Ni surtout de Vénus la brillante ceinture
Qui d’un nœud sympathique enchaîne la nature,
Ni l’éternel Saturne ou le grand Jupiter,
Ni tous ces dieux du ciel, de la terre et de l’air !
Tous ces êtres peuplant l’Olympe ou l’Élysée
Sont l’image de Dieu par nous divinisée,
Des lettres de son nom sur la nature écrit,
Une ombre que ce Dieu jette sur notre esprit !
À ce titre divin ma raison les adore,
Comme nous saluons le soleil dans l’aurore ;
Et peut-être qu’enfin tous ces dieux inventés,
Cet enfer et ce ciel par la lyre chantés,
Ne sont pas seulement des songes du génie,
Mais les brillants degrés de l’échelle infinie
Qui, des êtres semés dans ce vaste univers,
Sépare et réunit tous les astres divers.
Peut-être qu’en effet dans l’immense étendue,
Dans tout ce qui se meut, une âme est répandue ;
Que ces astres brillants sur nos têtes semés
Sont des soleils vivants et des feux animés ;