Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 2.djvu/22

Cette page a été validée par deux contributeurs.
21
DE SOCRATE.

Pareille à l’œil mortel qui dans l’obscurité
Conserve le regard en perdant la clarté.

» L’âme n’est pas aux sens ce qu’est à cette lyre
L’harmonieux accord que notre main en tire :
Elle est le doigt divin qui seul la fait frémir,
L’oreille qui l’entend ou chanter ou gémir,
L’auditeur attentif, l’invisible génie
Qui juge, enchaîne, ordonne et règle l’harmonie,
Et qui des sons discords rendus par chaque sens
Forme au plaisir des dieux des concerts ravissants !
En vain la lyre meurt et le son s’évapore :
Sur ces débris muets l’oreille écoute encore.
Es-tu content, Cébès ? ― Oui, j’en crois tes adieux,
Socrate est immortel ! ― Eh bien, parlons des dieux ! »





Et déjà le soleil était sur les montagnes,
Et, rasant d’un rayon les flots et les campagnes,
Semblait, faisant au monde un magnifique adieu,
Aller se rajeunir au sein brillant de Dieu.
Les troupeaux descendaient des sommets du Taygète ;
L’ombre dormait déjà sur les flancs de l’Hymette ;
Le Cithéron nageait dans un océan d’or ;
Le pêcheur matinal, sur l’onde errant encor,
Modérant près du bord sa course suspendue,
Repliait, en chantant, sa voile détendue ;
La flûte dans les bois, et ces chants sur les mers,
Arrivaient jusqu’à nous sur les soupirs des airs,
Et venaient se mêler à nos sanglots funèbres,
Comme un rayon du soir se fond dans les ténèbres.