par un sentier rapide et sombre, bordé d’un côté de forêts, de l’autre de prés ruisselants de sources, le revers de la chaîne que je venais de franchir. On n’a pendant longtemps devant les yeux d’autre horizon que des groupes de montagnes confuses, noires de sapins, ici ébréchées, là amoindries et comme usées par le frôlement des vents et des pluies. Ce sont les montagnes du Charollais, qui séparent l’Auvergne des Alpes. Ces collines, par leur engeancement, leur étagement, la mobilité des ombres qu’elles se renvoient les unes les autres sur leurs flancs, du jour qu’elles se reflètent, par leur transparence au sommet, et les couches d’or que les rayons glissants du soleil y mêlent à la fleur déjà dorée des genêts, m’ont toujours rappelé les montagnes de la Sabine près de Rome, qu’aimait tant Horace ; depuis que j’ai vu la Grèce, elles me représentent davantage les cimes rondes et à grandes échancrures des montagnes de la Laconie et de l’Arcadie. Quelquefois je m’arrête pour écouter si les vagues de la mer d’Argos ne bruissent pas à leurs pieds.
À mesure que je descendais, la petite vallée dont je suivais le lit se creusait plus profondément devant moi, se cachait sous plus de hêtres et de châtaigniers, murmurait de plus de ruisseaux dans ses ravines, et, s’ouvrant davantage sur ses deux flancs, me laissait déjà apercevoir une plus large étendue et une plus creuse profondeur de la vallée de Saint-Point, dans laquelle elle vient aboutir. À l’endroit où ce ravin s’ouvre enfin tout à fait, et où on le quitte pour descendre en serpentant les flancs de la vallée principale, il y a un tournant du chemin qui serre le cœur, et qui fait toujours jeter un cri de joie ou d’admiration. À la droite, on compte neuf ou dix châtaigniers aussi vieux et aussi vénérés que ceux de Sicile ; ils rampent plutôt qu’ils ne se dressent sur une pente de mousse et de gazon telle-