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Nul astre n’éclairait l’horizon solitaire ;
Ce n’était plus le ciel, ce n’était plus la terre :
C’était autour de lui comme un second chaos ;
Ses deux bras étendus ne touchaient que des os,
Qui, cherchant comme lui leurs pas dans les ténèbres,
Remplissaient l’air glacé de cliquetis funèbres.
Pareils au flot pressé par le flot qui le suit,
Je ne sais quel instinct les poussait dans la nuit :
Ils allaient, ils allaient, comme va la poussière
Que le vent du désert balaye en sa carrière,
Vers ces champs désolés où Josaphat en deuil
Verra le genre humain s’éveiller du cercueil.
Ces générations, dont la tombe est peuplée,
Se pressaient pour entrer dans l’obscure vallée.
L’ange exterminateur, une épée à la main,
À leur foule muette en fermait le chemin.
À peine Harold paraît, la barrière se lève ;
L’ange aux regards de feu le pousse de son glaive ;
Et, seul, nu, palpitant, dans ce terrible lieu,
Pour subir son épreuve, il entre devant Dieu ;
Mais le Christ, plus brillant que l’éternelle aurore,
Sa balance à la main, n’y jugeait point encore.


XLVI


« Harold, dit une voix, voici l’affreux moment !
Tu vas te prononcer ton propre jugement.
Pendant que tu vivais, dans une nuit obscure,
Abusant de ces jours que le ciel vous mesure,
Tu perdis à douter ce temps fait pour agir.
Bientôt le jour sans fin à tes yeux va surgir !