Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 2.djvu/14

Cette page a été validée par deux contributeurs.
13
DE SOCRATE.

Et sa voix dans ma voix parle seule aujourd’hui.
Amis, écoutez donc ! ce n’est plus moi ; c’est lui !… »





Le front calme et serein, l’œil rayonnant d’espoir,
Socrate à ses amis fit signe de s’asseoir ;
À ce signe muet soudain ils obéirent,
Et sur les bords du lit en silence ils s’assirent.
Symmias abaissait son manteau sur ses yeux ;
Criton d’un œil pensif interrogeait les cieux ;
Cébès penchait à terre un front mélancolique ;
Apollodore, armé d’un rire sardonique,
Semblait, du philosophe enviant l’heureux sort,
Rire de la fortune et défier la mort ;
Et, le dos appuyé sur la porte de bronze,
Les bras entrelacés, le serviteur des Onze,
De doute et de pitié tour à tour combattu,
Murmurait sourdement : « Que lui sert sa vertu ? »
Mais Phédon, regrettant l’ami plus que le sage,
Sous ses cheveux épars voilant son beau visage,
Plus près du lit funèbre aux pieds du maître assis,
Sur ses genoux pliés se penchait comme un fils,
Levait ses yeux voilés sur l’ami qu’il adore,
Rougissait de pleurer, et le pleurait encore.





Du sage cependant la terrestre douleur
N’osait point altérer les traits ni la couleur ;
Son regard élevé loin de nous semblait lire ;
Sa bouche, où reposait son gracieux sourire,
Toute prête à parler, s’entr’ouvrait à demi ;
Son oreille écoutait son invisible ami ;