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Harold seul, du sommeil oubliant les pavots,
Ne peut plus assoupir son âme sans repos,
Et, frappant les parvis de son pas monotone,
S’égare ; et, se guidant de colonne en colonne,
Aux mourantes clartés de la lampe des morts,
Dans le temple désert se traîne avec efforts.

De l’astre de la nuit un rayon solitaire,
À travers les vitraux du sombre sanctuaire,
Glissait comme l’espoir à travers le malheur,
Ou dans la nuit de l’âme un regard du Seigneur.
À sa lueur pieuse, Harold ému contemple
Les noms des morts brisés sur les pavés du temple ;
Des martyrs et des saints les bustes insultés,
D’une trace récente encore ensanglantés ;
Et l’autel, dépouillé d’une pompe inutile,
À peine relevé par les mains de Cyrille,
Mais, dans sa solitude et dans sa nudité,
Couvert de ces terreurs, de cette majesté
Qu’en dépit de la foi, du doute, ou du blasphème,
Le seul nom du Très-Haut imprime au marbre même.

Harold, ralentissant ses pas silencieux,
S’assied sur un tombeau. « Quelle paix en ces lieux !
Dit-il ; et que ces morts dont je foule la pierre
Dorment profondément dans leur lit de poussière !
L’espace qu’en ces lieux je couvre de mon pié
A suffi pour ces saints : c’est là qu’ils ont prié,
C’est là qu’ils ont trouvé ce sommeil que j’envie !
Naître, prier, mourir, ce fut toute leur vie.
L’univers fut pour eux l’ombre de cet autel ;
Et, des songes divers qui bercent un mortel,