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Ainsi roulait d’Harold l’orageuse pensée,
Et, semblable à la flèche avec force lancée
Qui revient briser l’arc d’où le trait est parti,
Revenait déchirer son sein anéanti.
Oui, la pensée humaine est une double épée,
Une arme à deux tranchants, au feu du ciel trempée,
Don propice ou fatal que nous ont fait les dieux,
Pour nous frapper nous-même, ou conquérir les cieux !


XXXVII


Qu’un bizarre destin préside à notre vie !
La gloire lui refuse un trépas qu’il envie ;
Et ses jours dans l’oubli, de moments en moments,
S’éteignent comme un feu qui manque d’aliments.
Voyez pâlir son front ! voyez sa main tremblante,
Pour affermir en vain sa marche chancelante,
Chercher à chaque pas un repos, un appui !
On dirait que le sol se dérobe sous lui,
Que la nuit l’environne, ou qu’il voit, comme Oreste,
Deux soleils s’agiter dans la voûte céleste.

Comme un génie enfant qui veille sur ses jours,
Adda, sa chère Adda l’accompagne toujours.
C’est elle dont la voix, plus douce à son oreille,
De sombres visions quelquefois le réveille :
Ses yeux avec douceur semblent la contempler ;
Du doux nom de sa fille il aime à l’appeler ;
Sa fille aura bientôt ces grâces et cet âge…
Ce n’est pas elle, hélas ! au moins c’est son image !