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Où la plaintive voix d’un pieux solitaire
Réveillait seule, hélas ! l’écho du monastère.
Seul et dernier gardien de ces divins autels,
Le vieillard n’avait plus de nom chez les mortels.
Cyrille était son nom parmi les saints ; son âge
N’avait point vers la terre incliné son visage ;
La prière, en fixant son âme sur les cieux,
Vers la voûte céleste avait tourné ses yeux ;
Et son front, couronné de ses boucles fanées,
Portait légèrement le fardeau des années ;
Ses lèvres respiraient les grâces de son cœur ;
Il tenait dans ses mains ce sceptre du pasteur,
Ce bâton pastoral que ses mains paternelles
Étendaient autrefois sur des brebis fidèles :
Mais la houlette, hélas ! veuve de son troupeau,
Ne servait qu’à guider le pasteur au tombeau.
Sa barbe à blancs flocons roulait sur sa poitrine.
Harold, en le voyant, se recueille et s’incline,
Et, frappé de silence à cet auguste aspect,
Aborde le vieillard avec un saint respect.
Il croit sentir, il sent, tandis qu’il le contemple,
Ce qu’éprouve un impie en entrant dans un temple.
Ces autels, dont les fronts ont creusé les parois ;
Ces murs, que la prière a percés tant de fois ;
L’ombre enfin du Très-Haut, sur ces lieux répandue,
Tout étonne, attendrit son âme confondue :
Il se trouble, et bientôt, ralentissant ses pas,
Semble adorer le Dieu !… le Dieu qu’il ne croit pas !
Le vieillard, de ses pieds essuyant la poussière,
Ouvre au fier pèlerin sa porte hospitalière,
Et lui montre du doigt, sur la muraille écrit :
« Béni soit l’étranger qui vient au nom du Christ ! »