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Il est des cœurs fermés aux bruits légers du monde,
Où le bonheur n’a plus d’écho qui lui réponde,
Mais où la pitié seule élève encor sa voix,
Comme une eau murmurante au fond caché des bois.
Êtres mystérieux, inconnus, solitaires,
Fuyant l’éclat, la foule et les routes vulgaires,
Le courant de la vie est trop lent à leur gré :
Seule, il faut que leur âme ait un lit séparé,
Où, roulant à grands flots et de cimes en cimes,
Tantôt sur les sommets, tantôt dans les abîmes,
Elle gronde, elle écume, elle emporte ses bords ;
Ou, calmant tout à coup ses orageux transports,
Sans désir, sans penchant, comme oubliant sa pente,
Dans un repos rêveur elle dorme et serpente,
Et réfléchisse en paix, dans son flottant miroir,
La nature, et le ciel, et le calme du soir :
Cœurs pétris de contraste, étrangers où nous sommes,
Hommes, mais tour à tour plus ou moins que des hommes.
Tel est Harold. Cherchons le désert qu’il a fui :
Le repos dans la foule est un enfer pour lui.

Sur les flancs ombragés du sublime Aracynthe,
Lieux où la mer, formant une orageuse enceinte,
Vit, au jour d’Actium, le sceptre des humains
Comme un glaive brisé rouler de mains en mains ;
Près d’un vallon couvert d’ifs à la feuille obscure,
Où dans son large lit l’Achéloüs murmure,
Et, dans le sein des mers prêt à perdre ses flots,
Répand dans les forêts de funèbres sanglots ;
Sous les troncs ténébreux des cyprès, des platanes,
Qui cachent comme un voile, au regard des profanes,
Sur la terre d’Islam, un temple du vrai Dieu,
Harold s’arrête, et frappe aux portes d’un saint lieu,