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XXIII


Mais quel est ce rocher qui, creusé par les mers,
Résonne nuit et jour du choc des flots amers,
Incline sur les eaux son sommet chauve et sombre,
Et couvre de si loin l’Océan de son ombre ?
Attestant sur ces bords les âges révolus,
Noble et dernier débris d’un temple qui n’est plus,
Une seule colonne y brave la tempête,
Et, du sein des écueils dressant encor sa tête,
Semble rester debout sur ces bords éclatants,
Comme entre un siècle et l’autre une borne des temps.
Des injures du ciel le pêcheur la préserve ;
Et ce dernier soutien du temple de Minerve
Sert à guider de loin les yeux des matelots,
Ou l’esquif du pêcheur égaré sur les flots.
Elle a donné son nom au cap qu’elle couronne.
Harold, qui voit blanchir l’éternelle colonne,
Reconnaît Sunium… Sunium ! À ce nom,
Il croit revoir flotter la robe de Platon,
Quand ce sage, fuyant une foule insensée,
Venait dans le désert consulter… sa pensée ;
Et qu’assis en silence au bord des flots amers,
Son œil divin plongé dans le ciel ou les mers,
Écoutant en soi-même un vague et doux murmure,
Il croyait distinguer la voix de la nature,
Ou des sphères du ciel le bruit harmonieux,
Ou ces songes divins qui lui parlaient des dieux.
Voix céleste, qui parle au bord des mers profondes,
Dans les soupirs des bois, dans les accords des ondes,