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Et voulût opposer à son cœur attristé
Cette image du ciel : innocence et beauté !


XXI


Mais déjà le navire, aux lueurs de l’aurore,
Du sein brillant des mers voit une terre éclore ;
Terre dont l’Océan, avec un triste orgueil,
Semble encor murmurer le nom sur chaque écueil,
Et dont le souvenir, planant sur ses rivages,
Se répand sur les flots comme un parfum des âges.
C’est la Grèce ! À ce nom, à cet auguste aspect,
L’esprit anéanti de pitié, de respect,
Contemplant du destin le déclin et la cime,
De la gloire au néant a mesuré l’abîme.
Par les pas des tyrans ses bords sont profanés,
Ses temples sont détruits, ses peuples enchaînés,
Et sur l’autel du Christ, brisé par la conquête,
L’Ottoman fait baiser le turban du prophète :
Mais, à travers ce deuil, le regard enchanté
Reconnaît en pleurant son antique beauté,
Et la nature au moins, par le temps rajeunie,
Y triomphe de l’homme et de la tyrannie.
C’est toujours le pays du soleil et des dieux ;
Ses monts dressent encor leurs sommets dans les cieux,
Et, noyant les contours de leur cime azurée,
Semblent encor nager dans une onde éthérée.
Ses coteaux, abaissant leurs cintres inclinés,
Par l’arbre de Minerve à demi couronnés,
Expirent par degrés sur la plage sonore
Où Syrinx sur les flots semble gémir encore ;