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Fantôme dont mon cœur fut un jour ébloui,
Et que j’ai méprisé dès que j’en ai joui !

» Il me faut cette gloire impérissable, immense,
Qui, payant d’autres cœurs d’une autre récompense,
Aux derniers coups du bronze encor retentissant,
Sur la terre ou les flots s’écrit avec du sang,
Et, couvrant d’un trophée un champ de funérailles,
Grave à jamais nos noms sur l’airain des batailles,
Ou sur les fondements du temple ensanglanté
Que la Victoire enfin fonde à la Liberté.


XVII


» Souvent, le bras posé sur l’urne d’un grand homme,
Soit aux bords dépeuplés des longs chemins de Rome,
Soit sous la voûte auguste où, de ses noirs arceaux,
L’ombre de Westminster consacre ses tombeaux,
En contemplant ces arcs, ces bronzes, ces statues,
Du long respect des temps par l’âge revêtues,
En voyant l’étranger, d’un pied silencieux,
Ne toucher qu’en tremblant le pavé de ces lieux,
Et des inscriptions sur la poudre tracées
Chercher pieusement les lettres effacées,
J’ai senti qu’à l’abri d’un pareil monument
Leur grande ombre devait dormir plus mollement ;
Que le bruit de ces pas, ce culte, ces images,
Ces regrets renaissants, et ces larmes des âges,
Flattaient sans doute encore, au fond de leur cercueil,
De ces morts immortels l’impérissable orgueil ;