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Si d’un crime plus grand un autre est l’inventeur,
L’empire nous échappe et passe à son auteur !…

« Adonaï n’est plus ; le peuple qui sommeille
N’entendra plus d’en bas la voix qui le réveille.
Voyez, j’ai fait le crime, et j’ai coupé la main !
De l’enfer et du ciel chef-d’œuvre surhumain,
Le hasard m’a livré ces belles créatures
Dont la perfection fait honte à nos natures ;
Instruments de plaisir et de séduction,
J’ai des moyens nouveaux de domination ;
J’ai des projets sur eux qui ne font que d’éclore…
Ils m’ont frappé l’esprit ainsi qu’un météore.
Allez, laissez-moi seul de mon vague dessein
Couver sous le secret les ombres dans mon sein ;
Et vous, allez jouir des célestes délices
Que ma main vous assure au prix de leurs supplices ! »

Puis, montrant aux muets par son doigt gouvernés
Les deux jeunes amants sur le marbre enchaînés :
« Emportez, leur dit-il, au palais des esclaves
Ce jeune enfant des bois rivé dans ses entraves ;
Qu’on prépare son corps avec précaution
A subir des muets la mutilation. »
Puis touchant les jumeaux du pied : Qu’on les éloigne !
Dit-il, et de son lait qu’une esclave les soigne.
Qu’ils boivent quelques jours la vie avant la mort !
Ma sagesse, plus tard, pariera sur leur sort..