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Cédar, le cœur tremblant, et demeuré sans voix,
Regardait ces enfants sur la feuille des bois,
Et, cherchant dans leurs yeux l’image de leur mère,
Pleurait et souriait dans une ivresse amère,
Osant de ses mains d’homme à peine les toucher,
Comme un lion surpris que l’agneau vient lécher.
Leurs cris, leurs petits bras qui cherchaient la mamelle,
Lui remuaient le cœur ; il chercha la gazelle,
Qui, dans la même nuit, sur l’herbe avait mis bas,
Éleva tour à tour les jumeaux sur son bras ;
Au pis gonflé de lait il suspendit leur lèvre,
Comme un berger qui tient par la corne sa chèvre,
Pendant qu’entre ses pieds les chevreaux nouveau-nés
Pressent les mamelons vers leur bouche inclinés.
Quand ils eurent trompé cet instinct de la mère,
Ensemble il les coucha sur la molle fougère,
Et, berçant du genou leur doux et court sommeil,
Rappela chaque fois leur nourrice au réveil.

Déjà, de son petit par Cédar séparée,
La gazelle accourait à leur voix altérée,
Et, pendant qu’à flots blancs sa mamelle coulait,
De sa langue essuyait leurs mentons teints de lait.
Ainsi, grâce à l’instinct de la douce nature,
Les fruits tombés du nid trouvaient leur nourriture ;
Et l’esclave, nourrice et mère tour à tour,
Leur refaisait un nid couvé par son amour.