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s’étaient retirés, le roi lisait seul les discours prononcés pour ou contre lui la veille à la Convention. On eût cru, à l’impartialité de ses observations, qu’il lisait l’histoire d’un règne lointain. Comment pouvez-vous lire de sang-froid ces invectives ? lui demandait un jour Cléry. — J’apprends jusqu’où peut aller la méchanceté des hommes, répondit le roi. Je ne croyais pas qu’il pût en exister de semblables. » Et il s’endormit.

Un peloton de fil dans lequel était roulé un papier où des piqûres d’aiguille figuraient les lettres servaient aux princesses à correspondre avec le captif. Turgy, qui faisait à la fois le service de table chez le roi et chez la reine, cachait le peloton dans une armoire de la salle à manger. Là, Cléry trouvait et remettait à la place le peloton qui renfermait les réponses du roi. Ainsi les mêmes espérances et les mêmes craintes, glissant à travers les murs, palpitaient à la fois dans les deux étages et confondaient en une même pensée les âmes des prisonniers.

Plus tard, une ficelle, à l’extrémité de laquelle était attaché un billet, glissait de la main de la reine dans l’abat-jour en forme d’entonnoir qui garnissait la fenêtre du roi, placée directement au-dessous de la sienne, et remontait chargée des confidences et des tendresses de Louis à sa femme et à sa sœur.

Depuis qu’il était isolé, le roi avait refusé de descendre pour respirer l’air au jardin. « Je ne puis me résoudre à sortir seul, disait-il ; la promenade ne m’était douce que quand j’en jouissais avec ma femme et mes enfants. » Le 19 décembre, il dit, à l’heure du déjeuner, à Cléry, devant les quatre municipaux de garde : « Il y a quatorze ans, vous fûtes plus matinal qu’aujourd’hui. » Un sourire triste