Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 11.djvu/94

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de loin. On délibérait déjà leur mort. La section Poissonnière les condamna en masse à l’égorgement. La section des Thermes demanda qu’on les exécutât sans autre jugement que le danger que leur existence faisait courir à la patrie. « Il faut purger les prisons et ne pas laisser de traîtres derrière nous en partant pour les frontières ! » Tel était le cri que Marat et Danton faisaient circuler dans les masses. Le peuple a besoin qu’on lui rédige sa colère, et qu’on le familiarise avec son propre crime.


III

Telle était l’attitude de Danton la veille de ces crimes.

Quant au rôle de Robespierre dans ces journées, il fut le rôle qu’il affecta dans toutes les crises : dans la question de la guerre, au 20 juin, au 10 août. Il n’agit pas, il blâma ; mais il laissa l’événement à lui-même, et, une fois accompli, il l’accepta comme un pas de la Révolution sur lequel il n’y avait plus à revenir. Il ne voulut pas laisser à d’autres le pas de la popularité sur lui ; il se lava les mains de ce sang, et il le laissa répandre. Mais son crédit, inférieur à celui de Danton et de Marat au conseil de la commune, ne lui donnait pas alors la force de rien empêcher. Il était, comme Pétion, dans l’ombre. Ces hommes, ainsi que les Girondins, voyaient transpirer les projets de Marat et de Danton ; mais, impuissants à les prévenir, ils affectaient de les ignorer. Un fait récemment révélé à l’histoire