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l’atrocité. « Nous n’assassinerons pas, dit-il dans sa dernière conférence avec le conseil de surveillance, nous jugerons ; aucun innocent ne périra. » Danton voulut trois choses : la première, secouer le peuple et le compromettre tellement dans la cause de la Révolution, qu’il ne pût plus reculer et qu’il se précipitât aux frontières, tout souillé du sang des royalistes, sans autre espérance que la victoire ou la mort ; la seconde, porter la terreur dans l’âme des royalistes, des aristocrates et du clergé ; enfin, la troisième, intimider les Girondins, qui commençaient à murmurer de la tyrannie de la commune, et montrer à ces âmes faibles que, s’ils ne se faisaient pas les instruments du peuple, ils en pourraient bien être les victimes.

Danton fut surtout poussé au meurtre par une cause plus personnelle et moins théorique : son caractère. Il avait la réputation de l’énergie, il en eut l’orgueil. Il voulut la déployer dans une mesure qui étonnât ses amis et ses ennemis. Il prit le crime pour du génie. Il méprisa ceux qui s’arrêtaient devant quelque chose, même devant l’assassinat en masse. Il s’admira dans son dédain de remords. Il consentit à être le phénomène de l’emportement révolutionnaire. Il y eut de la vanité dans son forfait. Il crut que son acte, en se justifiant par l’intention et par le lointain, perdrait de son caractère ; que son nom grandirait quand il serait en perspective, et qu’il serait le colosse de la Révolution. Il se trompait. Plus les crimes politiques s’éloignent des passions qui les font commettre, plus ils baissent et pâlissent aux regards de la postérité. L’histoire est la conscience du genre humain. Le cri de cette conscience sera la condamnation de Danton. On a dit qu’il sauva la patrie et la Révolution par ces meurtres, et que nos victoires sont