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haute solde de tant par meurtre. On le chargea de retenir les tombereaux nécessaires pour charrier les cadavres.

Enfin, deux agents du comité de surveillance se présentèrent, le 28 août, à six heures du matin, chez le fossoyeur de la paroisse de Saint-Jacques du Haut-Pas ; ils lui enjoignirent de prendre sa bêche et de les suivre. Arrivés sur l’emplacement des carrières qui s’étendent en dehors de la barrière Saint-Jacques, et dont quelques-unes avaient servi de catacombes à l’époque du déplacement récent des cimetières de Paris, les deux inconnus déplièrent une carte et s’orientèrent sur ce champ de mort. Ils reconnurent à des signes tracés sur le sol et rappelés sur la carte l’emplacement de ces souterrains refermés. Ils marquèrent eux-mêmes, d’un revers de bêche, la ligne circulaire d’une enceinte de six pieds de diamètre, où le fossoyeur devait faire creuser pour retrouver l’ouverture du puits qui descendait dans ces abîmes. Ils lui remirent la somme nécessaire au salaire de ses ouvriers. Ils lui recommandèrent de veiller à ce que l’ouvrage fût achevé le quatrième jour, et se retirèrent en imposant le silence.

Le silence ne couvrit qu’imparfaitement ces funestes apprêts. Un bruit sourd, circulant dans les prisons, donna aux victimes le pressentiment du coup. Les geôliers et les porte-clefs reçurent et transmirent des avertissements obscurs.

Danton, cruel en masse, capable de pitié en détail, cédant aux sollicitations de l’amitié et à son propre mouvement, fit relâcher la veille quelques prisonniers au sort desquels on l’intéressa. Ordonnant le crime par férocité de système et non par férocité de nature, il semblait se soulager en dérobant à lui-même des victimes. M. de Marguerie, officier supérieur de la garde constitutionnelle du