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néral en chef à faire prêter le serment à la nation l’avait rendu suspect. On le destitua. Kellermann refusa le commandement de l’armée de Luckner, son ancien chef et son ami, si on ne rendait pas au vieux maréchal le grade de généralissime. L’Assemblée, touchée de tant de générosité, et convaincue de l’innocence et de la nullité de Luckner, lui rendit en effet son grade et l’envoya à Châlons jouir d’un titre purement honorifique, et organiser les bataillons de volontaires qui marchaient de tous les départements sur l’armée.

Pendant que Danton donnait au gouvernement la vigueur de ses coups de main, Robespierre, moins maître que lui du conseil de la commune, et soulevé moins haut par un événement auquel il n’avait pas participé, recommença à élever la voix après la bataille, comme pour en expliquer le sens et la portée au peuple. « La nation française en était arrivée, écrivit-il, au point de calamité publique où les nations, comme les individus, n’ont plus qu’un devoir, celui de pourvoir à leur propre existence. Elle s’est levée comme en 89, mais avec plus d’ordre et de majesté encore qu’en 89, elle a exercé avec plus de sang-froid sa souveraineté pour assurer son salut et son bonheur. En 89, une partie de l’aristocratie l’aidait ; en 92, elle n’a eu pour se sauver qu’elle-même. » Faisant ensuite le récit de la journée, il résuma ainsi son opinion sur les conséquences du 10 août. « L’Assemblée a suspendu le roi, mais ici elle n’a pas assez osé ; ce n’était pas la suspension, mais la déchéance de la royauté, qu’elle devait prononcer. Elle devait trancher cette question, dont la solution nous prépare des difficultés et des lenteurs. Au lieu de cela, elle nous parle de nommer un gouverneur au prince royal. Français ! songez au sang qui