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constitutionnel pour l’autorité des représentants de la nation. Elle voulait gouverner par les lois. Le conseil général de la commune, produit d’une insurrection et d’une usurpation, voulait perpétuer en elle le droit de l’insurrection, attirer à soi tout le pouvoir exécutif, et se servir seulement de la représentation nationale pour rédiger en décrets les injonctions absolues de la capitale. Chaque séance attestait cette lutte. Des commissaires apportaient à l’Assemblée un vœu de la commune. Quelques voix énergiques résistaient à l’empiétement de pouvoirs. D’autres voix, intimidées ou complices, démontraient l’urgence du décret proposé. Tout finissait par un acte d’obséquiosité servile à la volonté de la commune, ou par une de ces mesures équivoques qui cachent un asservissement réel sous une apparence de transaction. Les Girondins frémissaient, mais obéissaient. De peur de paraître vaincus, ils se faisaient complices.

La commune demanda ainsi impérieusement la création d’une cour martiale qui jugerait sommairement les ennemis du peuple et les complices de la cour. Brissot et ses amis tremblèrent de remettre entre les mains du peuple un pareil instrument de tyrannie. Ils résistèrent quelques jours à ce vœu. Ils rédigèrent une proclamation pour rappeler les esprits aux principes de justice, d’humanité, d’impartialité, garanties de la vie des citoyens devant les tribunaux. Choudieu et Thuriot, quoique Jacobins, s’opposèrent avec énergie à la création de ce tribunal de vengeance. « J’adore la Révolution, s’écria Thuriot ; mais je déclare que, si la Révolution ne pouvait triompher que par un crime, je la laisserais périr plutôt que de me souiller pour la sauver. » Thuriot avait par sa conscience la révélation du vrai salut des révolutions. Le crime est la politique des assassins. Le