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Danton, dépouillant son rôle d’agitateur, se montrait à la hauteur de la crise. Il s’attachait par des libéralités toutes les ambitions subalternes affamées d’or et de crédit, qu’il avait coudoyées longtemps dans les clubs. Il se faisait un parti de toutes les soifs de fortune. Vénal lui-même, il connaissait la puissance de la vénalité. Il s’en procurait sans pudeur les moyens. Il organisait la corruption parmi les patriotes. Non content des cent mille francs de fonds secrets affectés, le lendemain du 10 août, à chaque ministère, il s’attribua, sans rendre de compte, le quart des deux millions de dépenses secrètes que l’Assemblée alloua au pouvoir exécutif pour agir sur les cabinets étrangers et pour travailler l’esprit public. Il força même Lebrun et Servan à lui remettre une partie des fonds attribués à leurs ministères. Il envoya aux armées des commissaires soldés à l’aide de ces fonds et choisis parmi les hommes de la commune les plus vendus à ses intérêts. Le trésor public payait les proconsuls de Danton.


XVI

La rivalité de pouvoirs qui avait commencé, la nuit du 9 au 10 août, entre l’Assemblée mourante et la commune se poursuivait et se caractérisait plus insolemment d’heure en heure. L’Assemblée, seul pouvoir légal et seul débris resté debout de la constitution, cherchait à ramener le peuple, après la crise, au sentiment de la légalité et au respect