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Girondins s’étaient donné un maître, Roland pliait pourtant, espérant se relever sous la prochaine assemblée. Il se renfermait en attendant dans les détails purement administratifs du ministère de l’intérieur, et se consolait dans les confidences de Brissot, de Guadet et de Vergniaud.


XV

Danton cependant ne négligeait rien pour ajouter la puissance de la séduction à celle de l’intimidation sur Roland. Il s’attachait à plaire à sa femme, dont il connaissait l’ascendant sur son mari. Madame Roland voyait avec cette répugnance délicate et instinctive de son sexe la présence de Danton dans le pouvoir exécutif. Ce tribun sans grâce, sans mœurs et sans principes, était, selon elle, une concession humiliante des Girondins à la peur. « Quelle honte, disait-elle à ses confidents, que le conseil soit souillé par ce Danton dont la renommée est si mauvaise ! — Que voulez-vous ! lui répondait Brissot, il faut prendre la force où elle est. — Il est plus aisé, répliquait-elle, de ne pas investir du pouvoir de pareils hommes que de les empêcher d’en abuser. »

Elle rêvait un conseil des ministres composé de républicains fermes, modérés, incorruptibles, tels qu’elle les avait lus dans Plutarque. Elle voyait à la place de ce génie et de cette vertu antiques l’obséquiosité probe mais timide de Monge, qui craignait à chaque regard de Danton d’être