Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 11.djvu/66

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mont Saint-Michel, qui domine Verdun. Le roi de Prusse et le duc de Brunswick campèrent à Grand-Bras, sur la rive droite de la Meuse, au-dessous de la ville. Verdun, faiblement fortifiée, mais capable de résister un certain temps à un siége, avait une garnison de trois mille cinq cents hommes commandés par le colonel Beaurepaire, officier intrépide et patriote digne des temps antiques. Le bombardement commença le 31, et incendia plusieurs édifices. La place répondait mal à l’ennemi. Les pièces manquaient de canonniers, les canons manquaient d’affûts de rechange. La population était royaliste et redoutait l’assaut. Le roi de Prusse offrit une suspension d’armes de quelques heures. Elle fut acceptée.

Un conseil de défense, composé d’habitants et de magistrats civils, auxquels l’Assemblée législative avait confié l’autorité suprême dans les villes en état de siége, par défiance de l’armée, s’assembla. Ce conseil de guerre décida que la ville était hors d’état de résister. Beaurepaire et ses principaux officiers, au nombre desquels se trouvaient de jeunes lieutenants qui furent depuis les généraux Lemoine, Dufour, Marceau, grands noms de nos guerres futures, s’opposèrent en vain à une capitulation prématurée. Ils convenaient que la ville ne pouvait subir un long siége, mais ils voulaient au moins qu’elle tombât avec honneur. Le conseil se précipita dans l’opprobre. La capitulation fut décidée.

Beaurepaire, rejetant la plume qu’on lui présentait : « Messieurs, dit-il, j’ai juré de ne rendre qu’un cadavre aux ennemis de mon pays. Survivez à votre honte, si vous le pouvez ; quant à moi, fidèle à mes serments, voici mon dernier mot : Je meurs libre. Je lègue mon sang en op-