Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 11.djvu/58

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


X

Telle était la barrière qu’avec une armée de vingt-sept mille combattants Dumouriez voulait fermer à quatre-vingt-dix mille hommes ivres de leurs premiers succès et impatients de se répandre sur la Champagne et de courir sur Paris. Le plus difficile était d’y arriver à temps. Deux partis s’offraient pour cela. Le premier et le plus sûr était de faire filer l’armée de Sedan à Vouziers et à Sainte-Menehould, en couvrant sa marche par la forêt même et en laissant le plateau de l’Argonne entre l’ennemi et son armée ; le second de marcher aux défilés de l’Argonne à découvert par le revers extérieur de la forêt et de braver en passant le général Clairfayt, qui était déjà à Stenay avec vingt mille hommes. La première de ces routes était plus longue de moitié, et, en faisant perdre du temps, elle avait le double inconvénient de trahir l’intention du général et de provoquer le général Clairfayt et le duc de Brunswick à occuper les premiers, l’un, le défilé de Grandpré, l’autre, celui des Islettes. Ces postes pris par les Prussiens rejetaient l’armée française sur Châlons, et bientôt sous les murs de Paris.

La seconde conduisait en trois marches l’avant-garde de Dillon aux Islettes, et Dumouriez en deux marches à Grandpré. Mais pour l’exécuter il fallait ou devancer Clairfayt, qui n’était qu’à six heures de Grandpré, tandis que Dumouriez en était à dix heures, ou tromper et intimider