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C’était un de ces hommes dont l’âme sommeille dans l’obscurité des rangs secondaires, jusqu’à ce qu’une main habile en ait touché le ressort. Il avait eu de l’estime pour La Fayette ; il eut un culte pour Dumouriez. Bon officier sous le premier, il fut un héros sous l’autre. Les hommes font les hommes. L’âme d’une armée est dans le général.


VIII

Heureux de se voir compris, Dumouriez, qui ne s’était pas couché depuis la veille de son départ de Valenciennes, chargea Thouvenot de préparer les détails de ce mouvement et s’endormit quelques heures sur son idée. Les grandes résolutions calment les grands cœurs. Il avait d’avance la sécurité du parti pris. À son réveil il envoya ordre à Beurnonville, qu’il avait laissé à Valenciennes, de lui amener neuf mille hommes d’infanterie et de cavalerie, inutiles, pour le moment, dans le camp de Maulde. Il fit partir par toutes les routes des courriers et des officiers sûrs pour informer Luckner de ses mouvements et s’informer des siens. Il prévenait le vieux général qu’il allait appeler sur l’Argonne tout le poids d’une armée de quatre-vingt mille Prussiens. Il lui assignait le rendez-vous probable où la jonction de l’armée de Metz et de l’armée de Sedan, si elle pouvait s’opérer, déterminerait la bataille et sauverait la patrie. Il emprunta aux arsenaux de la Fère et de Douai les munitions de guerre dont il était dépourvu. Enfin il