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a-t-il quelqu’un assez lâche parmi des soldats, dit-il, pour s’affliger de la guerre ? et croyez-vous conquérir la liberté sans vous battre ? » Ce mot ramena, sinon la confiance, du moins le respect sur le front des officiers et des soldats. Le regard de Dumouriez, la présence de Westermann, le vainqueur du 10 août, tout couvert encore du sang des Suisses et de l’enthousiasme du peuple de Paris, imposèrent aux troupes. Elles se sentirent placées, par la prise de Longwy, entre les baïonnettes des Prussiens et le mépris de la nation, qui les regardait. Elles se raffermirent.

La carte dépliée, les forces respectives et les distances mesurées sur la table du conseil, Dumouriez ouvrit la séance, exposa la situation et demanda les avis. Dillon prit le premier la parole. Il montra sur la carte le point de Châlons comme la position qu’il fallait atteindre avant l’ennemi, si on voulait lui couper à temps l’entrée des plaines de la France et la route de Paris. Le compas à la main, il mesura la distance de Châlons à Verdun et de Châlons à Sedan ; il montra que l’ennemi, déjà sous les murs de Verdun, serait plus près de Châlons que l’armée défensive, et, représentant avec beaucoup de raison et de force que la conservation de la capitale importait plus à la nation que la conservation des Ardennes, il conclut à marcher la nuit même sur Châlons en laissant le général Chazot et quelques bataillons dans le camp fortifié de Sedan. Le conseil tout entier se rangea à cet avis. Dumouriez eut l’air de l’approuver par son silence, et ordonna à Dillon de prendre le commandement de l’avant-garde et de se porter sur la rive gauche de la Marne, comme si le mouvement sur Châlons eût été adopté dans sa pensée. Il ne l’était pas. À peine le conseil de guerre était-il congédié, que Dumou-