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Sa verve enivrait ceux qui l’approchaient. Couthon fut fasciné par cette séduction du génie de Dumouriez, comme l’avait été autrefois Gensonné. Il devina le sauveur de la patrie.

Couthon, jeune avocat de Clermont avant d’être envoyé à l’Assemblée nationale, puis à la Convention, poussait sa foi à la Révolution jusqu’au fanatisme. Ce fanatisme, doux et méditatif alors, fut sanguinaire depuis. Le foyer de cette âme, pleine d’amour et d’espérance pour l’humanité, devint le cratère d’un volcan intérieur contre les ennemis de ses idées. Plus les rêves de l’homme sont beaux, plus il s’irrite contre tout ce qui les renverse. Couthon était philosophe. Son visage était gracieux, son regard serein, ses entretiens graves et mélancoliques. Une jeune femme et un enfant autour de lui nourrissaient la tendresse de son âme et consolaient son infirmité : Couthon était privé de l’usage de ses jambes. La cause de cette infirmité intéressait à son malheur : il la devait à l’amour. Traversant pendant une nuit obscure de l’hiver une vallée marécageuse de l’Auvergne pour aller s’entretenir furtivement avec la jeune fille qu’il aimait, il s’était égaré dans les ténèbres. Enseveli jusqu’au matin dans la boue glacée qui s’enfonçait de plus en plus sous le poids de son corps, il avait lutté toute une nuit contre la mort, et n’avait échappé au gouffre qu’engourdi et perclus. On ne soupçonnait pas alors le rôle futur de Couthon. On ne voyait point de sang dans ses rêves.

Les trois députés envoyés à l’armée de Dillon, Delmas, Dubois-Dubais et Bellegarde, arrivés le 14 août à Valenciennes, avaient ordre de destituer Dillon et Lanoue. Ces deux généraux avaient été lents à reconnaître le 10 août. Repentants et soumis aujourd’hui, ils implorèrent le par-