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cela la terre serait-elle peuplée de tyrans et d’esclaves ? Hampden et Sidney étaient de la minorité, car ils expirèrent sur un échafaud. Les César, les Clodius, étaient de la majorité. Mais Socrate était de la minorité, car il but la ciguë. Caton était de la minorité, car il déchira ses entrailles ! Je connais beaucoup d’hommes ici qui serviraient la liberté à la façon de Hampden et de Sidney. (On applaudit dans les tribunes.) Peuple, reprend Robespierre, épargne-nous au moins cette espèce de disgrâce, garde tes applaudissements pour le jour où nous aurons fait une loi utile à l’humanité ! Ne vois-tu pas qu’en nous applaudissant tu donnes à nos ennemis des prétextes de calomnie contre ta cause sacrée que nous défendons ? Ah ! fuis plutôt le spectacle de nos débats ! Reste dans tes ateliers. Loin de tes yeux nous n’en combattrons pas moins pour toi ! Et quand le dernier de tes défenseurs aura péri, alors venge-les si tu veux, et charge-toi de faire triompher toi-même ta cause !… Citoyens, qui que vous soyez, veillez autour du Temple ! Arrêtez, s’il est nécessaire, la malveillance perfide ! Confondez les complots de vos ennemis ! Fatal dépôt ! reprit-il avec un geste désespéré, n’était-ce pas assez que le despotisme eût pesé si longtemps sur cette terre ! Faut-il que sa garde même soit pour nous une autre calamité ! »

Robespierre se tut en laissant dans les esprits le dernier trait qu’il avait lancé, et l’impatience de terminer par la mort prompte une situation qui pesait sur la république.