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quelques autres membres exaltés du comité de surveillance de la Convention, occasionna une scène d’invectives entre les deux partis, dans laquelle les paroles, les gestes, les regards avilirent la dignité des représentants de la république au niveau du plus abject tumulte.

De ce jour la langue changea comme les mœurs. Elle prit la rudesse et la trivialité, cette corruption du peuple, au lieu de la mollesse et de l’affectation, cette corruption des cours. La colère des deux partis ramassa, pour s’outrager mutuellement, les termes ignobles employés par la populace. Le pugilat avait remplacé l’épée. L’échafaud prochain se pressentait dans les menaces des orateurs. Le sang de septembre déteignait sur les discussions. « Ce sont des imbéciles, des fripons, des infâmes ! s’écrie Marat en montrant du doigt Grangeneuve et ses amis. — Je te demande avant, toi, réplique Grangeneuve, de dire quelle preuve tu as de mon infamie ! » Les tribunes prennent le parti de Marat et se lèvent en couvrant les Girondins d’imprécations. « Faites regarder dans le côté droit, dit Montaut, si Ramond ou Cazalès n’y sont point encore. — Je m’engage à prouver, repart Louvet, que Catilina est dans le vôtre. — Les hommes purs ne craignent pas la lumière, reprend Marat. — Ils ne se cachent point dans les souterrains, » lui crie Boileau. On décide que deux commissaires accompagneront Marat dans sa demeure pour s’assurer qu’il n’altérera pas les pièces, bases de sa dénonciation. On désigne pour cette mission Tallien, ami de Marat, et Buzot, son ennemi. « Je ne crois pas, dit Buzot avec un geste et un accent de mépris, que la Convention ait le droit de m’ordonner d’aller chez Marat. »