Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 11.djvu/458

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des rois nous ordonnent d’adorer au nom du ciel. Il ne reste guère plus dans les esprits que ces dogmes éternels, qui prêtent un appui aux idées morales, et la doctrine sublime et touchante de la charité et de l’égalité, que le Fils de Marie enseigna jadis à ses concitoyens. Bientôt, sans doute, l’évangile de la raison et de la liberté sera l’évangile du monde. Le dogme de la Divinité est gravé dans les esprits. Ce dogme, le peuple le lie au culte qu’il a jusqu’ici professé. Attaquer ce culte, c’est attenter à la moralité du peuple. Or, rappelez-vous que notre Révolution est basée sur la justice, et que tout ce qui tend à affaiblir ce sentiment moral dans le peuple est antirévolutionnaire. Souvenez-vous avec quelle sagesse les plus grands législateurs de l’antiquité surent manier ces ressorts cachés du cœur humain ; avec quel art sublime, ménageant la faiblesse ou les préjugés de leurs concitoyens, ils consentirent à faire sanctionner par le ciel l’ouvrage de leur génie ! Quel que soit notre enthousiasme, nous ne sommes point encore arrivés aux limites de la raison et de la vertu humaine. Mais combien est-il impolitique de jeter de nouveaux ferments de discorde dans les esprits, en faisant croire au peuple qu’en attaquant ses prêtres on attaque le culte lui-même ! Ne dites pas qu’il ne s’agit point ici d’abolir le culte, mais seulement de ne le plus payer ; car ceux qui croient au culte croient aussi que ne plus le payer ou le laisser périr, c’est la même chose. Ne voyez-vous pas d’ailleurs qu’en livrant les citoyens à l’individualité des cultes, vous élevez le signal de la discorde dans chaque ville et dans chaque village ? Les uns voudront un culte, les autres voudront s’en passer, et tous deviendront les uns pour les autres des objets de mépris et de haine. »