Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 11.djvu/457

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pensée de retirer le salaire de l’État aux prêtres. Robespierre et d’autres reculaient timidement, dans un intérêt de parti, devant l’application rationnelle du dogme de l’indépendance des croyances religieuses et de l’émancipation absolue de la raison des peuples en matière de culte par la liberté. Ils proclamaient la religion du peuple un mensonge, et ils demandaient que la république salariât des prêtres chargés de prêcher et d’administrer ce qu’ils appelaient un mensonge. Ainsi les hommes les plus fermes dans la foi révolutionnaire, qui ne reculaient ni devant le sang de leurs concitoyens, ni devant les armées de l’Europe, ni devant leur propre échafaud, reculaient devant la puissance d’une habitude nationale, et ajournaient la solution dans les rapports de l’homme avec Dieu, plutôt que d’ajourner leur puissance. Que la faiblesse est voisine de la force ! « Mon Dieu, à moi, disait Robespierre dans une lettre à ses commettants, c’est celui qui créa tous les hommes pour l'égalité et le bonheur. C’est celui qui protége les opprimés et qui extermine les tyrans. Mon culte est celui de la justice et de l’humanité. Je n’aime pas plus qu’un autre le pouvoir des prêtres. C’est une chaîne de plus donnée à l’humanité ; mais c’est une chaîne invisible attachée aux esprits. Le législateur peut aider la raison à s’en affranchir, mais il ne peut la briser. Notre situation sous ce rapport me semble favorable. L’empire de la superstition est presque détruit. Déjà c’est moins le prêtre qui est l’objet de la vénération que l’idée de la religion que le prêtre personnifie aux yeux de la foule. Déjà le flambeau de la philosophie, pénétrant jusqu’aux classes les plus ténébreuses, a chassé tous ces ridicules fantômes que l’ambition des prêtres et la politique