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démence ou du génie. Attaché aux pas de Robespierre seul, Saint-Just se communiquait peu aux autres. Il sortait de sa place à la Convention pour apparaître comme un précurseur des opinions de son maître. Son discours fini, il y rentrait silencieux et impalpable, non comme un homme, mais comme une voix.


IV

« On vous dit, murmura froidement Saint-Just, que le roi doit être jugé en citoyen ; et moi j’entreprends de vous prouver qu’il doit être jugé en ennemi. Nous n’avons pas à le juger, nous avons à le combattre. La plus funeste des lenteurs que nos ennemis nous recommandent serait celle qui nous ferait temporiser avec le roi. Un jour des peuples aussi éloignés de nos préjugés que nous le sommes des préjugés des Vandales s’étonneront qu’un peuple ait délibéré pour savoir s’il avait le droit de juger ses tyrans. On s’étonnera qu’au dix-huitième siècle on ait été moins avancé que du temps de César. Le tyran fut immolé en plein sénat, sans autre formalité que vingt-deux coups de poignard, sans autre loi que la liberté de Rome ; et aujourd’hui on fait avec respect le procès d’un homme, assassin du peuple, pris la main dans le sang, la main dans le crime ! Ceux qui attachent quelque importance au juste châtiment d’un roi ne feront jamais une république. Parmi nous la mollesse des caractères est un grand obstacle à la liberté. Les uns