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noncèrent la famille royale à la Convention. Ils affirmèrent que les prisonniers entretenaient une correspondance avec le dehors ; qu’ils avaient des chuchotements suspects avec certains commissaires ; que Madame Élisabeth, un soir, au souper, avait laissé tomber un crayon de son mouchoir ; qu’on avait trouvé chez la reine des pains à cacheter et une plume. Les recherches recommencèrent. On fouilla dans les oreillers et dans les matelas. Le Dauphin fut impitoyablement enlevé tout endormi de sa couchette pour qu’on la visitât jusque sous son corps. La reine prit l’enfant et le réchauffa, pendant ce temps-là, tout nu et tout grelottant dans ses bras.


XXXI

Cependant, plus la haine et la persécution sévissaient autour des captifs, plus l’émotion de leur chute et le saisissement de leur situation inspiraient d’intérêt à quelques âmes et de témérité à quelques dévouements. La vue journalière des souffrances, de la dignité, et peut-être aussi de la touchante beauté de la reine, avait fait des transfuges dans la commune elle-même. Si les grands crimes tentent quelquefois des âmes ardentes, les grands dévouements tentent aussi des cœurs généreux. La compassion a son fanatisme. Arracher à sa prison, à ses persécuteurs, à l’échafaud, la famille des rois, et la rendre, par une ruse héroïque, à la liberté, au bonheur, au trône peut-être, était