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XXX

L’uniformité de cette vie commençait à la changer en habitude et en tranquillité d’esprit. La présence quotidienne des êtres aimés, la tendresse mutuelle plus sentie depuis que l’étiquette des cours ne s’interposait plus entre les sentiments de la nature, la régularité des mêmes actes aux mêmes heures, les passages d’un appartement dans l’autre, les leçons des enfants, leurs jeux, les sorties dans le jardin souvent consolées par des regards compris, les repas en commun, les conversations, les lectures, ce silence profond dans les murs autour des prisonniers, pendant que tant de bruit se faisait loin d’eux autour de leurs noms ; quelques visages de commissaires attendris, quelques intelligences furtives avec le dehors, quelques complots obscurs d’évasion grossis par l’espérance, ce mirage des cachots, accoutumaient insensiblement les détenus à leur adversité, et leur faisaient même découvrir le côté consolant du malheur, quand un redoublement de rigueurs dans leur emprisonnement et de rudesse dans leurs geôliers vint agiter de nouveau leur vie intérieure et leur faire conjecturer de sinistres événements.

La surveillance devint odieuse et outrageante pour la pudeur des princesses. On rompait le pain des prisonniers pour y découvrir des billets cachés. On coupait les fruits, on fendait jusqu’aux noyaux de pêche, de peur qu’une