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dans l’embrasure de la porte de l’antichambre du roi pour y faire jouer des verrous. À l’heure de midi, cet homme étant descendu pour prendre son repas, le Dauphin se mit à jouer avec les outils déposés sur le seuil de la porte. Le roi, survenant, prit des mains de l’enfant le marteau et le ciseau du tailleur de pierre, et, se souvenant de son ancienne habileté dans les ouvrages de serrurerie et de ses goûts d’artisan, il montra à son fils comment il fallait tenir ces outils et creusa lui-même la pierre entamée. L’ouvrier, étant remonté et voyant le roi faire son ouvrage avec le sérieux d’un homme du métier, ne put regarder sans se sentir ému ce renversement de la fortune. « Quand vous sortirez de cette tour, dit-il au roi avec un instinct de compassion qui donnait l’espérance pour une certitude, vous pourrez dire que vous avez travaillé vous-même à votre prison. — Hélas ! mon ami, répondit le roi en lui remettant le marteau et le ciseau, quand et comment en sortirai-je ? » Et, reprenant son fils par la main, il rentra dans sa chambre et s’y promena longtemps en silence.


XXIX

Insensible aux privations qui ne tombaient que sur lui-même, la comparaison de la splendeur passée où il avait vu sa femme et sa sœur avec leur dénûment présent revenait souvent à son esprit et lui échappait quelquefois du cœur. Les anniversaires de ses jours heureux, de son cou-