Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 11.djvu/424

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sent qu’elle devient femme, et recueille en soi-même son rayonnement. Pensive comme son père, fière comme sa mère, pieuse comme sa tante, elle retraçait dans son âme ces trois âmes au milieu desquelles elle avait grandi. Sa beauté, svelte et pâle comme les apparitions fantastiques de la Germanie, tenait plus de l’idéal que de la matière. Toujours attachée au bras et comme enfouie au sein de sa mère ou de sa tante, elle semblait intimidée de la vie. Ses cheveux blonds, encore pendants sur ses épaules comme ceux d’un enfant, l’enveloppaient presque tout entière. Elle regardait du fond de ce voile d’un regard craintif, ou baissait les yeux. Elle imprimait une admiration muette aux plus endurcis. Les porte-clefs et les sentinelles se rangeaient sur son passage. Ils éprouvaient une sorte de tressaillement religieux quand ils étaient effleurés dans les corridors ou dans les escaliers par sa robe ou par ses cheveux. Sa tante achevait son éducation et lui apprenait la piété, la patience, le pardon. Mais le sentiment de son rang inné dans son âme, les humiliations de son père et les supplices de sa mère se gravaient profondément en cicatrices toujours saignantes dans son cœur, et s’y recueillaient, sinon en ressentiment, du moins en éternelle tristesse.


XXIV

À deux heures la famille rentrait pour dîner. Les joies intimes et les épanchements familiers dont ces repas sont