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peines. Il jouissait du moindre éclaircissement de leur front. Il évitait, avec un tact plus développé que ses années, de leur rappeler dans la conversation les circonstances douloureuses de leur vie ou les temps heureux de leur grandeur, comme s’il eût deviné ce que la mémoire des jours heureux jette d’amertume dans les disgrâces.

Un jour ayant paru reconnaître un des commissaires de la commune dans la chambre de son père, ce commissaire s’approcha et lui demanda s’il se souvenait de l’avoir vu et dans quelle circonstance. L’enfant fit un signe de tête affirmatif, mais refusa obstinément de répondre. Sa sœur, l’ayant pris à part dans un coin de l’appartement, lui demanda pourquoi il refusait de dire dans quelle circonstance il avait vu ce commissaire. « C’est au voyage de Varennes, lui répondit à l’oreille le Dauphin. Je n’ai pas voulu le dire tout haut, de peur de le rappeler à ma mère et de faire pleurer nos parents. »

Lorsqu’il reconnaissait dans l’antichambre de son père un commissaire plus respectueux envers les prisonniers et moins odieux à la reine que ses collègues, il se hâtait de courir au-devant de sa mère, quand elle descendait chez le roi, et de lui annoncer, en battant des mains, cette bonne journée. La vue de cet enfant attendrissait presque toutes ces haines. La royauté, sous la figure d’un enfant innocent et prisonnier, n’avait pour ennemis que des brutes. Les commissaires les plus prévenus, les canonniers de garde, les geôliers, le féroce Rocher lui-même, jouaient avec le Dauphin. Simon seul lui parlait avec rudesse et le regardait d’un œil défiant et sinistre, comme un tyran caché dans un enfant. Les traits du visage de ce jeune prince rappelaient en les confondant la grâce un peu efféminée de Louis XV,