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ture, voilé la constitution, suspendu et écarté le roi, mis la royauté en tutelle pendant la crise, elle pouvait prévenir l’intervention des piques, préserver la forme monarchique, armer la nation, garantir les frontières, épargner le sang des victimes du 10 août et du 2 septembre, et ne pas attrister la France de l’échafaud de son roi. Sa faiblesse produisit ses excès et les fureurs du peuple. Malheur aux empires quand la tête des nations ne prend pas l’initiative réfléchie des grandes résolutions et la laisse prendre à l’insurrection ! Ce que touche le peuple est toujours brisé par la violence ou taché de sang. L’Assemblée nationale fut au-dessous de la crise. Elle eut le talent, les lumières, le patriotisme, les vertus même nécessaires aux fondateurs de la liberté ; elle n’en eut pas le caractère. Le caractère est le génie de l’action. Ces hommes n’eurent que le génie de la parole et le génie de la mort. Bien parler et bien mourir, ce fut leur destinée.


II

Le contre-coup du 10 août fut ressenti dans tout l’empire et dans toute l’Europe. Les cabinets étrangers et les émigrés, tout en déplorant la catastrophe, l’emprisonnement du roi, l’encouragement que le triomphe du peuple de Paris donnait à l’esprit révolutionnaire, se réjouirent en secret des agitations convulsives dans lesquelles la France allait vraisemblablement se déchirer. Une guerre civile était le