Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 11.djvu/416

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la situation des choses publiques en lui faisant lire les journaux introduits dans le guichet par ruse, et en transmettant les faits du jour à l’oreille de son maître aux heures de son coucher ou de son lever. Quand ces moyens d’information vinrent à manquer à la famille royale, des crieurs publics affidés et payés par des amis du dehors venaient le soir, aux heures du silence des rues, vociférer sous les murs de l’enceinte du Temple les principaux événements de la journée. Le roi, averti par Cléry, ouvrait sa fenêtre et saisissait ainsi à mots interrompus les décrets de la Convention, les victoires et les défaites des armées, les condamnations et les exécutions de ses anciens ministres, les arrêts ou les espérances de sa destinée.

Cependant cette privation des feuilles publiques n’était pas absolue. Souvent, par une intention cruelle des municipaux, les feuilles atroces qui provoquaient au meurtre du roi se trouvaient comme par hasard déposées sur le marbre de sa cheminée ; ses regards en tombant sur ces feuilles étaient ainsi poursuivis jusque dans son intérieur par ces menaces et par ces imprécations. Ce prince lut ainsi un jour la pétition d’un canonnier qui demandait à la Convention la tête du tyran pour en charger sa pièce et pour la lancer à l’ennemi. « Quel est, dit tristement le roi en lisant cette pétition, le plus malheureux de moi ou du peuple qu’on trompe ainsi ? »