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prospérité. Cette jeune femme, douée de la grâce des cours, du courage de l’adversité, et dont l’esprit, à la fois sensé, enjoué et nourri de l’antiquité, rappelait les jours de Louis XIV, avait été élevée avec la princesse. La vie avait noué leurs cœurs et leur sort dès l’enfance. Mariée par les bienfaits de Madame Élisabeth à un gentilhomme des premières maisons de Lorraine, la marquise de Raigecourt avait été obligée de rejoindre son mari en émigration. Madame Élisabeth avait exigé elle-même cet éloignement, que nécessitait un état avancé de grossesse, dans la crainte que les malheurs prévus par elle dès les premiers troubles de la monarchie ne retombassent sur d’autres cœurs. Les deux amies s’écrivaient tous les jours des lettres où un attachement de sœurs s’épanchait à travers les tristes appréhensions du temps. Cette correspondance, seule consolation de Madame Élisabeth, avait duré jusqu’à la journée du 10 août. Les derniers mots de la princesse à son amie attestaient même, à ce moment suprême, des espérances de salut que les heures suivantes avaient cruellement trompées.

Cléry parvint à faire passer à la marquise de Raigecourt encore un ou deux soupirs de la prison ; puis le silence de la tombe s’interposa entre ces deux âmes et devança d’un an l’échafaud.

La reine reçut et laissa échapper par le même moyen quelques rares communications avec le dehors. C’étaient des phrases à double signification ; des volumes d’angoisses et de tendresse s’y pressaient dans un seul mot. Ces mots ne pouvaient être traduits que par les yeux habitués à lire dans le cœur d’où ils étaient tombés.

Cléry réussit également à informer quelquefois le roi de