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XIX

La sensibilité du roi se développait dans les disgrâces, l’âme de la reine se sanctifiait dans l’adversité ; toutes les vertus de Madame Élisabeth se convertissaient en pitié active pour son frère et pour sa belle-sœur. La raison des enfants s’attendrissait dans les cachots constamment arrosés par les larmes de leurs parents. Un jour de captivité leur enseignait plus de la vie qu’une année de cour. L’infortune hâte la maturité de ses victimes. Cette famille souffrait et jouissait de tout comme un seul cœur. La commune ne réclama pas contre la réunion des prisonniers, motivée sur la crainte d’un suicide de la reine. De ce moment les captives furent amenées trois fois le jour dans la grande tour pour y prendre leur repas avec le roi. Seulement des municipaux présents à ces entrevues en interceptaient la douceur en s’opposant à toute confidence intime des prisonniers entre eux. Il leur était sévèrement interdit de parler bas ou de s’entretenir en langues étrangères. Ils devaient parler haut et en français.

Madame Élisabeth, ayant une fois oublié cette prescription et dit quelques mots à voix basse à son frère, fut violemment gourmandée par un municipal. « Les secrets des tyrans, lui dit cet homme, sont des conspirations contre le peuple. Parlez haut, ou taisez-vous. La nation doit tout entendre. »