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employé la plus grande partie de ce subside alimentaire à des constructions de sûreté et de resserrement de captivité. Ce qui devait servir à consoler l’existence des prisonniers servit à aggraver leurs fers et à salarier leurs geôliers. Le roi n’avait à sa disposition aucune somme pour vêtir la reine, sa sœur, ses enfants, pour récompenser les services qu’il avait à demander au dehors, ou pour procurer à sa famille, dans les meubles, dans les occupations de la prison, ces adoucissements que la fortune privée des détenus laisse pénétrer jusque dans les cachots des criminels. Sortis inopinément des Tuileries sans autres vêtements que ceux qu’ils portaient sur leurs corps dans la matinée du 10 août, leurs garde-robes, leurs habillements, leurs cassettes ayant été pillés pendant le combat ; transportés de là au Temple sans autre linge que le linge envoyé au Manége par l’ambassadrice d’Angleterre ou prêté à la famille royale par quelques serviteurs, les prisonniers, à l’entrée d’un rigoureux hiver, présentaient l’apparence d’un véritable dénûment. La reine et Madame Élisabeth passaient leurs journées comme de pauvres ouvrières à raccommoder le linge du roi et des enfants et à rapiécer leurs robes d’été.

Au moment où les négociateurs prussiens avaient exigé de Dumouriez, pour colorer leur retraite, un rapport secret sur le Temple et des adoucissements respectueux propres à déguiser l’emprisonnement aux yeux de l’Europe, Manuel et Pétion, à la prière de Westermann, se rendirent au Temple et accomplirent avec égards les prescriptions de Dumouriez. Ni l’un ni l’autre de ces magistrats supérieurs de la commune ne partageaient le honteux besoin de vengeance et de sévices des municipaux contre celui qui avait été leur roi. L’élévation des idées donne de la dignité aux