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bruits de la ville. Ils avaient entendu jusqu’au pied de la tour les hurlements des assassins de septembre voulant forcer les consignes, couper la tête de la reine, ou tout au moins étaler à ses pieds le corps tronqué et mutilé de la princesse de Lamballe.

Le 21 septembre, à quatre heures du soir, le roi étant endormi après son dîner, à côté des princesses, qui se taisaient pour ne pas interrompre son sommeil, un officier municipal, nommé Lubin, vint, accompagné d’une escorte de gendarmerie à cheval et d’un flot tumultueux de peuple, faire au pied de la tour la proclamation de l’abolition de la royauté et de l’établissement de la république. Les princesses ne voulurent pas éveiller le roi. Elles lui racontèrent la proclamation après son réveil. « Mon royaume, dit-il à la reine avec un triste sourire, a passé comme un songe, mais ce n’était pas un songe heureux ! Dieu me l’avait imposé, mon peuple m’en décharge ; que la France soit heureuse, je ne me plaindrai pas. » Le soir du même jour, Manuel étant venu visiter les prisonniers : « Vous savez, dit-il au roi, que les principes démocratiques triomphent, que le peuple a aboli la royauté, et qu’il a adopté le gouvernement républicain ? — Je l’ai entendu dire, répliqua le roi avec une sereine indifférence, et j’ai fait des vœux pour que la république soit favorable au peuple. Je ne me suis jamais mis entre son bonheur et lui. »

Le roi, en ce moment, portait encore son épée, ce sceptre du gentilhomme en France, et les insignes des ordres de chevalerie, dont il était le chef, étaient encore attachés à son habit. « Vous saurez aussi, reprit Manuel, que la nation a supprimé ces hochets. On aurait dû vous dire d’en dépouiller les marques. Rentré dans la classe des autres