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république, à l’invasion de la Champagne, à l’insurrection de la Vendée, au siége de Lyon ? Évidemment non ; mais ces difficultés extrêmes trouvèrent dans ces deux corps une politique et une volonté égales aux extrémités de ces situations. Pourquoi cette différence entre des corps politiques puisés dans le même peuple et agissant à la même époque ? Osons le dire : c’est que l’Assemblée législative, nommée en haine de l’aristocratie et en défiance du peuple, et choisie parmi ces partis moyens et modérés qui ne sont dans les temps de crise que les négations du bien et du mal, n’eut dans les éléments qui la composaient ni l’esprit politique des hautes classes ni l’âme patriotique du peuple. L’Assemblée constituante fut la représentation de la pensée de la France ; la Convention fut la représentation du dévouement passionné des masses. L’Assemblée législative ne représenta que les intérêts et les vanités des classes intermédiaires. Expression de cette bourgeoisie honnête mais égoïste dans ses habitudes, elle n’apporta au gouvernement de cette grande crise que les pensées moyennes, les passions vaniteuses et les petites prudences de cette partie des nations dont la timidité est à la fois la vertu et le vice. Elle sut écrire et parler, elle ne sut pas agir. Elle eut des orateurs, elle n’eut pas d’hommes d’État. Mirabeau avait été dans l’Assemblée constituante l’expression souveraine de cette aristocratie qui, après s’être éclairée la première, aux rangs élevés des nations, des hautes lumières d’une époque, aspire à la gloire de les répandre sur le peuple, et se fait révolutionnaire par générosité et populaire par orgueil. Danton, Robespierre, furent l’expression terrible des passions d’un peuple à peine émancipé, qui veut conserver à tout prix à l’avenir la révolution qu’on lui a faite, et qui ne