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sant du travail et ambitieux d’un rôle, même du plus abject, Simon briguait celui de geôlier et l’exerçait en bourreau. Il avait pour aide un ancien sellier du nom de Rocher.


XI

Rocher était un de ces hommes pour qui l’infortune est un jouet et qui aiment à aboyer aux victimes comme des chiens aux haillons. On l’avait choisi à la masse de la stature, à l’apparence sinistre, à la férocité des traits. C’était l’homme qui avait forcé la chambre du roi le 20 juin et levé la main sur lui pour le frapper. Hideux de visage, insolent de regard, grossier de geste, ordurier de propos, un bonnet de poil, une longue barbe, une voix rauque et souterraine, l’odeur du tabac et du vin qui s’exhalait de ses habits, le nuage de la pipe qui l’enveloppait sans cesse, faisaient de lui l’apparition visible du cachot. Il traînait un grand sabre sur les dalles et sur les marches des escaliers. Une ceinture de cuir tenait suspendu à ses flancs un énorme trousseau de clefs. Le bruit de ces clefs, qu’il faisait résonner à dessein ; le fracas des verrous, qu’il tirait et refermait tout le jour, lui plaisaient comme à d’autres le bruit des armes. Il semblait que ce cliquetis, qui faisait retentir son importance, faisait retentir aussi leur captivité plus rudement aux oreilles des prisonniers. Quand la famille royale sortait pour sa promenade au milieu du jour, Rocher, feignant de choisir parmi son trousseau de clefs et d’essayer